Quand le schiste fait chanter le chenin : l’accord parfait de Montgilet

Dans les vignes, comme dans les romans d’Alexandre Dumas, tout est affaire de patience, d’héritage et d’un brin d’espièglerie. C’est ainsi qu’à Montgilet, sous les mains des Lebreton, se perpétue une histoire familiale aussi enracinée que les ceps de chenin qui s’agrippent depuis 1880 aux pentes graveleuses de Juigné-sur-Loire. Il n’est pas exagéré de parler ici d’un vin qui a du coffre – et des lettres.

On racontait dans les années 30 que l’arrière-grand-père du domaine, moustache à la Bardamu et béret vissé sur le crâne, parlait à ses vignes comme on murmure à l’oreille des chevaux. Là où d’autres convoquent les sulfites, il invoquait le silence du sol et l’humeur du climat. Presque un sorcier des coteaux, déjà soucieux de vinifier sans tricherie, bien avant que les certifications fleurissent sur les étiquettes.

Mais rendons au schiste ce qui rejaillit du sol : une personnalité à part. C’est à partir de cette matière que naît l’un des joyaux du domaine, élevé dans le Clos de la Roche Noire, sur une veine ardoisière typique d’Anjou. Ces vieilles vignes de chenin, bichonnées, récoltées manuellement par tris successifs avant botrytisation, livrent une matière première dorée comme un soleil couchant d’octobre. Le tri est minutieux : seuls les raisins à maturité parfaite trouvent grâce aux yeux du vigneron.

Offre partenaire

50 nuances de Loire, soigneusement choisies.

Voir les vins →

Le résultat en bouteille est bluffant. Au nez, c’est une volute d’arômes : poires juteuses, gelée de coing, une touche discrète de vanille et même, pour les mieux affûtés, un souvenir de coquille d’huître et de silex frotté. En bouche, l’équilibre est souverain : ampleur, maturité, salinité presque iodée. On parle souvent de vins de gastronomie, et celui-ci pourrait très bien répondre aux notes acidulées d’un ceviche de daurade ou, pour jouer l’élégance française, accompagner une blanquette de veau relevée d’un zeste de gingembre confit. Quelques s’y sont même risqués avec un fish and chips maison – verdict : la minéralité fait merveille.

Ce vin est à ce point ciselé qu’il rappelle un Sancerre blanc dans ses jours les plus joueurs. Mais l’origine ne s’y trompe pas : on est bien ici dans les Coteaux de l’Aubance, sur un terroir extrêmement fractionné. Le domaine de Montgilet travaille d’ailleurs en parcellaire, chaque micro-lieu-dit révélant une expression spécifique du vin. L’enherbement contrôlé et l’approche en Haute Valeur Environnementale (HVE 3), obtenue à la récolte 2019, traduisent un respect du sol et une volonté de durer, contre vents, modes et monocultures stériles.

Certains amateurs y voient un vin tantôt filiforme, tantôt voluptueux, tendu comme un accord de violon baroque. Voilà un blanc de garde qui, même dans une cave d’amateur éclairé, pourrait dormir sereinement cinq à dix ans sans sourciller.

L’allonge est remarquable. Et que dire du final, sur ces notes de fenouil, de céréales toastées, presque un clin d’œil ligéro-romain à un pastis de Provence, sans l’outrance herbacée. Ce chenin-là a décidément l’élégance d’un Lino Ventura silencieux dans un film de Claude Sautet : discret, solide, irrésistible. N’en jetons plus.

Les amateurs éclairés qui s’aventurent au sud d’Angers, dans cette Loire cathédrale de lumière, pourront découvrir au domaine familial cette cuvée entre art et matière. Tout y chante : les schistes, les mains, les années. Et si l’envie vous prenait de faire escale gustative, une sélection de beaux accords mets-vins vous attend en cave… ainsi qu’une newsletter discrète mais affûtée, pour les carnets de dégustation du dimanche. Parce que dans tout bon vin, il y a un peu d’écriture à l’encre minérale.

A propos du domaine

Domaine de Montgilet

Le Domaine de Montgilet déploie ses 60 hectares de vignes au cœur de la région Anjou-Saumur. Le domaine propose une large gamme de vins dans…