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Sur les bords feutrés de la Loire, Rabelais aurait volontiers échangé son encrier contre un verre de Chinon bien fait. Entre deux gargantuades, il aurait sans doute trouvé dans les fermentations un écho à ses aphorismes les plus fruités. Le vin, disait-il presque, est une science noble, surtout quand on en savoure les étapes comme un roman dont l’intrigue se joue entre la vigne et la cave.

Comprendre l’élaboration d’un grand vin rouge revient à déplier une aventure en six chapitres bien distincts : du foulage initial jusqu’au moment tant attendu de l’élevage, chacun joue un rôle décisif.
La meilleure façon de s’y retrouver ? Un schéma limpide à garder en cave et en mémoire :

Le résumé est simple : les raisins sont foulés tout en conservant leurs pellicules, richement dotées en tanins et pigments. Vient ensuite la fermentation alcoolique, généralement à température élevée (jusqu’à 32°C), accompagnée d’une macération… bien spécifique. Après séparation du jus (vin de goutte) et pressurage, une fermentation malolactique (la fameuse FML) adoucit le tout. S’ensuivent un élevage – en fût ou en cuve – ponctué par les dernières clarifications, stabilisations et enfin, le conditionnement. Mais regardons tout cela un peu plus en détail.
Commençons par l’essence même : après la récolte – idéalement manuelle, et souvent matinale pour préserver la fraîcheur aromatique – les grappes sont triées puis foulées. Cette opération, loin de la brutale danse du raisin des bacchanales hollywoodiennes, consiste à éclater les baies pour libérer le jus.
Mais attention à ne pas tout écraser ! Car ce sont bien les peaux du raisin – riches en anthocyanes (pigments rouges), tanins et composés aromatiques – qui vont donner sa structure et sa robe au futur vin. Contrairement à leur cousin blanc, les rouges doivent intuition et caractère à cette cohabitation prolongée entre pulpe, jus et pellicule.
La fermentation alcoolique transforme les sucres en alcool, grâce aux levures, majoritairement Saccharomyces cerevisiae. Mais ce n’est pas tant la transformation que la température qui surprend : entre 20°C et 32°C, on est loin du frais cellier du château.
Pourquoi cette chaleur ? Elle favorise l’extraction des éléments nobles des pellicules. Pourtant, cela nécessite une vigilance extrême : trop chaud, et les levures flanchent ; trop froid, elles s’endorment. La cuvaison s’anime alors de gestes techniques : remontage (pompage du jus sur le chapeau de marc) ou pigeage (immersion manuelle du marc), deux rituels qui assurent un brassage harmonieux des saveurs.


La macération commence dès le foulage et se prolonge pendant et parfois après la fermentation alcoolique. Ce moment est clé : c’est lui qui décide si votre vin racontera une histoire courte et fruitée ou une saga charpentée et longue en bouche.
Là encore, tout est question de contact : plus il est long, plus la structure tannique s’impose. Certains vignerons, surtout en Bourgogne ou dans certaines parcelles de Saumur-Champigny, optent même pour une macération pré-fermentaire à froid. En abaissant la température juste après le foulage, ils construisent un bouquet aromatique en amont, tout en douceur.
Une fois la fermentation finie, le vin est écoulé lentement par gravité : c’est le vin de goutte, le plus pur, le plus fluide. Les matières solides restantes sont alors pressées pour en extraire le vin de presse, plus corsé, plus tannique – parfois même un brin austère.
Le rôle de l’œnologue ? Composer une partition finale, en dosant habilement l’assemblage des deux. Comme un chef d’orchestre modulant les cuivres et les bois, il décide combien de vin de presse viendra muscler ou nuancer l’assemblage final.

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Trois mots pour un monde de différence : fermentation malo-lactique. « Malo » pour malique, « lactique » pour lactique : l’acide vert et nerveux devient plus rond, plus doux au palais.
Cette étape, quasi incontournable pour les rouges, est assurée par des bactéries lactiques comme Oenococcus oeni. Non seulement elle adoucit l’acidité, mais elle stabilise également le vin sur le plan microbiologique. Important si l’on projette, comme pour un Chinon millésimé, une garde de dix ans ou plus.
La fermentation étant terminée, le vin peut encore se transformer. C’est l’heure de l’élevage. En fût de chêne, il s’arrondit grâce à une légère oxygénation et hérite subtilement d’arômes de vanille, tabac ou pain grillé. Un grand Bordeaux n’en sortirait pas sans son doux boisé.

Cela dit, tous les vins rouges ne passent pas en barrique. Certains préfèrent l’inox ou le béton, pour préserver la fraîcheur fruitée. Et si le coût s’en mêle, des copeaux de chêne peuvent aussi faire illusion… à condition de rester discrets.
Enfin, dernière scène : clarification, stabilisation (tartrique, microbiologique) et mise en bouteille. Une garde en cave fera le reste – si toutefois la patience vous habite.
Impossible de ne pas évoquer le Saumur-Champigny, star du Val de Loire, à base de Cabernet Franc. La Maison Raffault, dès 1693, mit en œuvre ces savoir-faire d’extraction et d’élevage, en adaptant la durée de macération à la maturité du millésime. Chez eux, la vinification reste fidèle aux traditions ligériennes : macération douce, fermentation à 28°C, puis élevage de 6 mois en cuve béton pour préserver le fruit croquant. Une leçon de style dans un verre aux arômes de violette et de cerise noire.
Pour finir ce tour de fabrication du vin rouge, retenez que derrière chaque bouteille de vin se cache une succession d’actes aussi précis que passionnés. Comprendre leur enchaînement, c’est goûter avec plus de conscience et, qui sait, déboucher la prochaine bouteille avec un rien de respect complice.
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