De Nantes à Sancerre : voyage gustatif parmi 5 appellations de Loire méconnues

« Un vin modeste le matin, un chef-d’œuvre l’après-midi », disait souvent mon oncle, qui jurait être capable de différencier les abricots du Verdelot et ceux du Brézé à l’aveugle – ce qui est faux, mais charmant.

Ce fut à la terrasse d’une guinguette sur la rive gauche nantaise, un verre de Muscadet Sèvre-et-Maine en main, que je compris : ce vin, jadis raillé comme acide, sec à faire frémir une huître déjà fraîche, révèle aujourd’hui des expressions minérales saisissantes. Des domaines comme celui de l’intransigeant Guy Bossard, pionnier de la biodynamie, ont redonné ses lettres de noblesse à ce vin qui patiente désormais sur lies aussi patiemment qu’un évêque humaniste feuilletant Pline.

Mais pour mieux saisir ces perles ligériennes de l’ombre, encore faut-il s’aventurer au-delà des routes balisées du vin touristique. Quitter les grandes caves troglodytiques où l’on vous remet une flûte en plastique et s’engager, flâneur convaincu, vers les terroirs confidentiels. À commencer par les blancs de Saumur et d’Anjou, qui flirtent dangereusement avec les prix des Bourgognes tout en leur tenant tête. Savez-vous que Richard Leroy, vigneron charismatique, fut l’un des révélateurs de cette grandeur cachée (immortalisé par la BD Les ignorants, un livre culte, à découvrir d’urgence si vous ne l’avez pas encore lue). 

Évoquons maintenant Quincy, que l’on confond souvent avec un compositeur noir américain ou une sous-préfecture oubliée de Seine-et-Marne (ou ailleurs, on ne sait plus). Ce paisible coin du Berry cache pourtant des blancs joliment vifs, à partir de sauvignon blanc. Moins tape-à-l’œil que Sancerre, mais loin d’être moins intéressants. Comme pour le Touraine Oisly, où des vignerons appliqués domptent avec patience un cépage qu’on croyait réservé aux brochures touristiques du Centre-Val de Loire. Les fruits exotiques s’y font tendres et les herbacées discrètes. Une surprise constante.

Et puisque nous sommes dans les raretés, n’oublions pas le Saumur Puy-Notre-Dame, micro-appellation enclavée entre bosquets et collines calcaires, autour d’un village de carte postale. Ici, les rouges à base de cabernet franc s’arrondissent sans mollesse. Une trouvaille pour qui aime le grenat avec une élégance balsamique. Le village, classé depuis 2008, mérite une halte : sa collégiale du XIII^e siècle veille sur les vignes avec la componction d’un chanoine amateur de structure tannique.

À retenir : pour qui sait s’écarter des sentiers battus, un blanc de Quincy ou un Muscadet de garde peuvent offrir autant d’émotion qu’un grand cru, pour une fraction du prix. Une bonne adresse ? Le Domaine Landron, pour son Muscadet Amphibolite, minéral et fringant comme une fugue de Bach jouée sur galets. Dans le Berry, le Domaine Mardon incarne à merveille l’élégance racée des Quincy, avec des cuvées précises et vibrantes. Plus au nord, en Touraine Oisly, le Domaine Joel Delaunay propose des Sauvignon blanc droits et expressifs, dignes des plus belles tables. Et pour un rouge de caractère, direction le Saumur Puy-Notre-Dame, où le Domaine de la Paleine élabore des Cabernet Franc d’une finesse et d’une profondeur superbes, mêlant chair, fraîcheur et intensité.

En somme, la Loire viticole sait encore surprendre ceux qui osent quitter la route des châteaux pour mieux écouter la vigne. Et si cette escapade entre Nantes et Sancerre vous ouvre l’appétit, pensez à lire les autres articles, discrètement nichés en bas de page !